Un gendarme de Merville (Nord) était jugé le 23 octobre 2023, par le tribunal correctionnel de Dunkerque, pour avoir « tasé » un homme alcoolisé durant 33 secondes lors d’une intervention. Le militaire, âgé de 30 ans, risque une peine d’emprisonnement de 12 mois avec sursis simple, et une interdiction d’activité en lien avec les forces de l’ordre durant deux ans. Le délibéré sera rendu le 13 novembre. Depuis les faits, le gendarme a été suspendu provisoirement.
Comme relate La Voix du Nord, le gendarme était jugé suite à une intervention dans la commune de La Gorgue, le 19 octobre 2022. Il est accusé de ne pas avoir respecté la procédure qui limite le nombre de décharges et qui préconise une utilisation à titre exceptionnel de l’arme pour une riposte proportionnée à la violence ou au danger.
Sollicité avec son équipage pour un banal procès-verbal de constatation d’un vol de vélo, le gendarme a infligé en continu sept décharges de son pistolet à impulsion électrique (PIE), en mode contact, sur le dos d’un homme que l’équipage tente de maîtriser. Le gendarme a pressé la détente durant 33 secondes. Puis, quelques minutes plus tard, il a ordonné à sa collègue, une jeune gendarme adjoint, de donner deux nouveaux coups de Taser dans le dos de l’homme afin de le faire monter dans la voiture de gendarmerie. Durant son interpellation, l’individu a aussi reçu l’aide de son frère qui a fini par s’enfuir.
Le gendarme suspendu à titre provisoire
La personne interpellée, qui a reçu les coups de Taser, n’a eu aucune séquelle et ne s’est d’ailleurs pas porté partie civile lors du procès. En revanche, la caméra piéton du gendarme de Merville a enregistré cette interpellation musclée. Des extraits de cette vidéo ont été projetés au tribunal. On y voit notamment un homme costaud et alcoolisé, être incontrôlable, frapper et tirer la mâchoire d’un des gendarmes."Je nous sentais en situation de danger quand j’ai vu la main de Matthias K. (ndlr : l’homme interpellé) sur le ceinturon de mon collègue. Il tentait de tirer son arme par la crosse. Je me suis dit, là ça va trop loin. J’ai eu peur qu’on ne rentre pas à trois à la brigade", a expliqué le gendarme qui être passé par 6 ou 7 minutes délicates avant de prendre la décision d’utiliser le Taser. En revanche, le militaire réfute avoir donné des coups dans la voiture de la Gendarmerie à l’homme menotté.
Même s’il reconnaît la difficulté de l’intervention, le ministère public estime que le gendarme "a perdu son sang-froid et a paniqué. L’utilisation du Taser était peut-être nécessaire, mais son usage n’a pas été proportionné, et aurait aussi pu avoir des conséquences dramatiques". Douze mois de prison avec sursis simple et une interdiction d’activité en lien avec les forces de l’ordre durant deux ans ont été requis par le ministère public.
Laurent-Franck Liénard, avocat du gendarme, a de son côté, plaidé la relaxe pour son client qui a déjà été suspendu de ses fonctions à titre provisoire. "Il a déjà été mis au ban de la Gendarmerie", explique-t-il. "Mon client était avec une gendarme adjointe volontaire et un gendarme ayant seulement deux ans d’ancienneté. Mon client, qui a dix ans d’expérience, devait assurer à la fois le bon déroulement de l’opération et la sécurité de son équipage".
Egalement membre du corps des officiers de gendarmerie dans la réserve opérationnelle, le pénaliste Laurent-Franck Liénard a l’habitude de défendre des membres des forces de l’ordre. Au tribunal, il s’est également posé des questions sur la formation des gendarmes et l’utilisation du Taser. "Chez les gendarmes, la formation initiale est très bien faite. Mais après? Mon client a obtenu l’habilitation pour l’utilisation d’un Taser, mais sans réelle formation spécifique", insiste-t-il avant d’ajouter: "Le Taser sans cartouche, utilisé comme ici en contact direct, crée une décharge électrique douloureuse mais c’est tout. S’il y avait eu la cartouche une seule décharge aurait suffi à mon client pour paralyser et affaiblir l’individu qu’il voulait maîtriser. Sans ce problème de Taser l’opération aurait été parfaite".