Fédération Nationale des Retraités de la Gendarmerie-Section de Gaillac

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Guyane : à Saint-Laurent-du-Maroni, les gendarmes quadrillent le territoire.

Gendarme sécurisant un quartier informel de Saint-Laurent-du-Maroni armé d'un LBD.
 

Située à l’ouest de la Guyane, à la frontière avec le Suriname, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni fait face à une forte délinquance. Gendarmes départementaux et mobiles tentent de l’enrayer en multipliant leurs engagements et en contrôlant les points stratégiques du territoire.

Reliée à Kourou et Cayenne par la route nationale 1, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni est séparée du Suriname par le fleuve Maroni. La commune compte environ 50 000 habitants. Une partie de la population est en situation irrégulière. Ces personnes, originaires du Suriname, du Guyana ou encore du Brésil, vivent essentiellement dans des quartiers informels (bidonvilles), qui constituent également le repaire de nombreux délinquants. En raison de la proximité avec la ville d’Albina, capitale du district surinamais du Marowijne, les allées et venues sont permanentes entre les deux rives. Les habitants circulent à pirogue et ignorent l’existence de la frontière.

« Pour une partie de la population, Albina fait partie de la France et Saint-Laurent du Suriname, explique le maréchal des logis-chef Benoît, maître de chien au Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG) de Saint-Laurent-du-Maroni. L’aller-retour est habituel et les frontières n’existent pas, ils ont de la famille des deux côtés. Ils se déclarent par exemple Surinamais alors qu’ils sont nés à Saint-Laurent. »

Cette porosité entre les deux pays facilite la commission d’infractions. Les délinquants s’enfuient fréquemment au Suriname pour tenter d’échapper aux poursuites. Par ailleurs, les trafiquants utilisent Saint-Laurent-du-Maroni comme porte d’entrée vers la France en faisant transiter des stupéfiants et des produits contrefaits, qu’ils tentent ensuite d’acheminer vers le reste de la Guyane ainsi que vers la métropole.

Afin de lutter contre ces différents phénomènes, les gendarmes s’engagent afin de prévenir et dissuader les agissements délictueux, en occupant le terrain et en nouant des liens étroits avec la population. A posteriori, ils déploient tous les moyens nécessaires à l’identification des auteurs, évitant ainsi que ne se développe un sentiment d’impunité.

La maîtrise du terrain, un enjeu essentiel

En France, 25 % des faits de vols à main armée recensés en zone gendarmerie sont commis à Saint-Laurent-du-Maroni. Une partie d’entre eux le sont par des gangs qui sévissent dans la commune. Face à ce phénomène, les gendarmes multiplient les patrouilles et les contrôles, à terre comme sur le fleuve Maroni.

« Je suis persuadé que la clé de la lutte contre la délinquance d’appropriation consiste à mettre en place de nombreuses Opérations anti-délinquance (OAD) », explique le lieutenant-colonel Stéphane Babel, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Saint-Laurent-du-Maroni. Plusieurs fois par jour, les gendarmes des différentes unités de la compagnie se positionnent de manière à contrôler les véhicules et les personnes. Sous réquisition, ils ouvrent les coffres, fouillent les habitacles et effectuent les vérifications utiles aux fichiers. Ces actions leur permettent de découvrir des armes, des véhicules volés, des stupéfiants, des marchandises contrefaites et des personnes recherchées.

Des actions coordonnées sont également menées avec les partenaires locaux. Aux côtés de la Police aux frontières (PAF) et des services des douanes, les gendarmes mènent notamment des opérations dans les quartiers situés au bord du fleuve afin de lutter contre l’acheminement d’essence illégale depuis le Suriname. Les procédures initiées à l’encontre des revendeurs conduisent à la saisie des bidons et à la destruction du carburant. Les forces de l’ordre opèrent également sur le fleuve afin de garantir l’intégrité de la frontière. À l’image des OAD réalisées à terre, ils procèdent à de nombreux contrôles de pirogues.

« La commune d’Albina se trouve à quelques centaines de mètres, souligne le lieutenant-colonel Babel. Il faut cinq minutes en pirogue pour traverser le fleuve, qui constitue un véritable bassin de vie. Les gens débarquent n’importe où, alors qu’un ponton spécifique est tenu par la PAF. 500 à 600 pirogues traversent le fleuve chaque jour. Certaines d’entre elles transportent des marchandises illégales ou des personnes en situation irrégulière. »

Afin de compléter l’action de la PAF, une brigade fluviale de gendarmerie, armée par quatre militaires (six à court terme) et trois piroguiers, a été inaugurée le 1er avril 2024 dans le cadre du projet de création de 239 brigades lancé par le président de la République. Cette nouvelle unité permet à la gendarmerie de renforcer son action et complète les moyens spéciaux déjà mis en œuvre afin d’assurer la sécurité du territoire.

« Parmi les moyens dont nous disposons, nous utilisons des quads afin de sillonner Saint-Laurent-du-Maroni, précise l’adjudant Alexandre, affecté à la brigade motorisée de Saint-Laurent-du-Maroni. Ce véhicule nous permet notamment d’atteindre les quartiers informels, qui ne disposent souvent que d’une piste pour y accéder. Le quad nous aide à éviter la coupure avec ces quartiers et à conserver le lien avec la population. Nous nous déplaçons et prenons le temps d’échanger avec les habitants, qui sont souvent les premières victimes de la délinquance. Nous apportons des jouets ou de la nourriture aux enfants afin d’améliorer leur existence. »

Conserver la maîtrise du territoire implique de mettre en œuvre des patrouilles de jour comme de nuit. « Nous quadrillons la commune de Saint-Laurent-du-Maroni pour éviter les vols à main armée, explique le maréchal des logis-chef Benoît, engagé de nuit avec ses chiens. L’objectif est de couvrir les différents créneaux de commission des faits. Les vols à main armée de voie publique sont commis à l’opportunité, ceux dans les commerces plutôt en début de soirée et ceux dans les domiciles essentiellement en fin de nuit. »

Maître-chien et son chien de nuit lors d'une opération à Saint-Laurent-du-Maroni.

L'apport du chien en Guyane

Le maréchal des logis-chef Benoît dispose d’une solide expérience, notamment acquise lorsqu’il servait au Groupe d'investigations cynophile (GIC) de Metz. Affecté au PSIG de Saint-Laurent-du-Maroni, il peut compter sur ses deux chiens, Toscane et Petrus.
Toscane est spécialisée en piste-défense. Elle est donc capable de suivre les traces laissées par une personne disparue ou recherchée et d’assurer la défense des personnes.
Petrus est qualifié SAMBI (recherche de stupéfiants, armes, munitions et billets).
La complémentarité de ces deux chiens et les compétences du maréchal des logis-chef Benoît lui permettent d’apporter son appui aux différentes unités de Guyane. Il est en effet le seul maître de chien de Saint-Laurent-du-Maroni et le seul en Guyane à disposer d’un chien formé piste-défense.

« Je suis habilité homme d’attaque et donc capable de capturer des chiens dans le cadre d’interventions. Par ailleurs, le chien est un animal craint en Guyane. Je suis donc en mesure de modifier le rapport de force en cas de prise à partie par exemple. Avec Toscane, je peux être engagé sur un vol à main armée en cas de traces ou indices, car la plupart des auteurs prennent la fuite à pied après leurs méfaits. Je suis également sollicité en cas de disparition d’enfant, notamment la nuit. Certaines recherches peuvent être menées en forêt. J’apporte mon concours dans le cadre des contrôles réalisés par les différentes unités. Petrus peut quant à lui rechercher les caches présentes dans les véhicules, contenant des armes ou de la drogue. Les qualités de mes chiens me permettent de participer aux opérations menées par l’Antenne-GIGN de Cayenne, notamment lorsqu’il s’agit d’interpellations domiciliaires. Je peux également être amené à me déplacer en pirogue, afin d’effectuer des contrôles fluviaux par exemple, ou par voie aérienne. Je me suis ainsi transporté sur Maripasoula dans le cadre du carnaval, afin d’effectuer des patrouilles visant à dissuader la commission éventuelle d’infractions. »

Les gendarmes de la compagnie sont appuyés en permanence par des gendarmes mobiles. Leur présence permet de mieux couvrir le terrain et de tenir des points stratégiques, à l’image du Poste de contrôle routier (PCR) Margot, installé depuis novembre 2022. Positionné à la sortie de Saint-Laurent-du-Maroni, sur la route nationale 1, ce point de contrôle barre la sortie des trafiquants qui cherchent à acheminer des stupéfiants et des marchandises contrefaites vers le reste de la Guyane et la métropole.

Gendarmes effectuant un contrôle au PCR.
 
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

« Le poste est tenu 24 heures sur 24, sept jours sur sept, indique l’adjudant Alexis, affecté à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 32/7 de Chaumont. Nous disposons de réquisitions permanentes, qui nous permettent de procéder à des fouilles et contrôles. Nous obtenons d’importants résultats. Nous saisissons beaucoup de marchandises contrefaites, du tabac, des médicaments, des produits phytosanitaires interdits et des stupéfiants. Nous avons réalisé plusieurs saisies record, en découvrant pas moins de 25 kg de drogue en une seule fois par exemple. Nous essayons de faire preuve d’innovation dans nos contrôles. Les trafiquants redoublent d’ingéniosité pour parvenir à faire passer la marchandise. Le conditionnement ou la forme peuvent parfois être surprenants. Nous nous efforçons de contrôler plusieurs types de véhicules et de tout ouvrir, fouiller et vider. La marchandise peut se trouver partout, par exemple sous des légumes. »

Lorsque les gendarmes du poste constatent une infraction, ils sollicitent le concours des Officiers de police judiciaire (OPJ) de la Brigade territoriale autonome (BTA) de Saint-Laurent-du-Maroni.

Traquer les délinquants

En raison du taux de criminalité, les gendarmes des unités de la compagnie de Saint-Laurent-du-Maroni sont fortement engagés dans le domaine judiciaire. Les militaires de la BTA et de la Brigade de recherches (B.R.), ponctuellement renforcés par ceux de la Section de recherches (S.R.) de Cayenne, traquent les auteurs afin de pouvoir les présenter à la justice.

Patrouille engagée de nuit dans un quartier de Saint-Laurent-du-Maroni.
 
© GEND/ SIRPAG/ GND.CHATAIN

« En tant que chargé d’accueil ou en intervention, nous avons essentiellement affaire à des infractions de nature criminelle, souligne le maréchal des logis-chef Corentin, affecté à la brigade de Saint-Laurent-du-Maroni depuis bientôt un an. Nous faisons face à des tentatives de meurtre, des violences intrafamiliales, des viols, à du trafic de stupéfiants ou encore à de nombreux vols à main armée. Ici, nous traitons d’affaires qui ne sont habituellement pas du niveau d’une brigade de gendarmerie. À Saint-Laurent, les criminels laissent de nombreuses traces après leurs méfaits, nous parvenons donc à en confondre une grande partie. En 2023, nous avons placé 675 personnes en garde à vue. »

L’adjudant Bertrand, affecté au sein de la même unité, confirme les dires de son camarade : « les actes de police technique et scientifique donnent de très bons résultats. Un grand nombre d’auteurs commettent leurs agissements sans prendre de précaution. Ils sont en partie originaires du Suriname. Pour les autres, il s’agit de locaux. »

« Servir à la brigade de Saint-Laurent-du-Maroni, une expérience très enrichissante », raconte le maréchal des logis-chef Corentin

« Servir à la brigade de Saint-Laurent-du-Maroni, une expérience très enrichissante », raconte le maréchal des logis-chef Corentin

Avant de rejoindre Saint-Laurent-du-Maroni, j’étais affecté à la BTA d'Auvers-sur-Oise. J’ai demandé ma mutation en Guyane car je voulais approfondir mes connaissances professionnelles dans le domaine judiciaire et vivre une expérience personnelle particulière. J’adore le domaine judiciaire. Ici, on ne fait quasiment pas de petites interventions, celles-ci sont prises par les gendarmes mobiles. On en apprend donc tous les jours. On doit faire face à une charge de travail importante, raison pour laquelle on dispose d’une forte autonomie. En tant qu’OPJ, nous travaillons toujours seuls. Le niveau de délinquance implique donc de se mettre rapidement dans le bain à l’arrivée. Il en est de même lorsque nous remplissons les fonctions de chargé d’accueil. Nous devons accueillir 30 à 40 personnes par jour.
Avec cette montée en compétences, je souhaite ensuite rejoindre la Section de recherches de Cayenne. À plus long terme, j’envisage de présenter le concours semi-direct d’officier de gendarmerie, afin de découvrir l’aspect ressources humaines de la gendarmerie.

Les investigations menées par les différentes unités judiciaires permettent de résoudre une partie significative des crimes et délits commis sur le territoire et d’empêcher que ne se développe un sentiment d’impunité chez les auteurs.

Des patrouilles communes avec la Korps Politie Suriname (KPS), force de police nationale du Suriname, sont également mises en œuvre depuis peu. Elles facilitent l’échange de renseignements entre les deux pays et l’identification des criminels.



17/09/2024
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