Le combat des gendarmes de Draguignan pour la Libération......
À l’occasion du 80e anniversaire de la Libération, la gendarmerie honore ceux qui se sont illustrés en résistant à l’occupant allemand. Le sud de la France et particulièrement la Provence sont un foyer d’actions de résistance aux formes variées. Celles menées par le 107e peloton motorisé de gendarmerie, en poste à Draguignan, méritent une attention particulière tant elles illustrent l’action armée des gendarmes pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Provence est un point clé du conflit par sa position mitoyenne avec la frontière italienne et par ses côtes méditerranéennes, où Toulon et Marseille permettent l’accès aux colonies d’Afrique. Lors de la bataille de France, elle essuie les assauts successifs du groupe d’armées Ouest italien, puis du XVIe Panzerkorps jusqu’à l’Armistice du 24 juin 1940. Elle est ensuite placée sous l’autorité de Vichy et voit affluer des vagues d’immigrés fuyant la guerre et les premières répressions ethniques et politiques. La Provence passe sous le giron de l’occupant à partir de 1942 et de l’invasion de la zone libre. Occupée successivement par l’armée italienne jusqu’en 1943, puis par l’armée allemande, elle est progressivement étranglée par les pénuries. Les tensions liées à la xénophobie et à l’antisémitisme, ainsi que l’instauration du Service du travail obligatoire (STO), favorisent l’entrée des civils dans la clandestinité des maquis, comme celui du Mont Ventoux. C’est dans ce contexte qu’émergent des mouvements de Résistance, parmi lesquels on compte de nombreux gendarmes.
Les gendarmes de Draguignan entrent dans la Résistance
Le canton de Draguignan est situé à mi-chemin des villes de Marseille et Toulon, à seulement une trentaine de kilomètres de la côte. En tant que chef-lieu des compagnies de gendarmerie du Var, il sert de point d’ancrage au 107e peloton motorisé de gendarmerie. À partir du 8 juin, les brigades locales y sont rassemblées afin d’être surveillées. C’est également le siège de la 19e armée allemande chargée d’assurer le contrôle de la Provence.
Fort de 27 hommes, commandés par le chef d’escadron Favre, le peloton motorisé n° 107 passe en totalité au maquis de Thoard (04) en 1943. Ils sont convaincus de rejoindre la Résistance par le capitaine de gendarmerie Maurice Lavenant, qu’ils sont censés surveiller après son arrestation1. Mais plutôt que de suivre le capitaine, ils restent en poste afin de mener une lutte en interne. Dès lors, les gendarmes du 107e s’illustrent par de nombreux actes de bravoure2. Ils laissent passer les résistants armés lors des contrôles des routes. Ils « ferment les yeux » et préviennent les maquisards des arrestations à venir. Ils participent même à des parachutages et à des opérations clandestines. Les gendarmes du 107e peloton intègrent progressivement un réseau de résistance faisant coopérer plusieurs brigades de la région Provence3.
Le soir du 13 août 1944, le gendarme Germain Gourci, du 107e, est choisi avec six autres gendarmes issus des différentes brigades pour une mission secrète. Il quitte Draguignan avec armes et uniformes afin d’aller sécuriser la zone de parachutage de l’état-major du 517e régiment de parachutistes américains. Lui qui ne s’est engagé dans la gendarmerie que pour échapper au STO, le voilà placé sous le commandement du capitaine Geoffrey Jones, dont lui et ses camarades assurent la sécurité rapprochée jusqu’au débarquement de Provence.
Les gendarmes déclenchent l’insurrection
Le 14 août 1944, Radio Londres diffuse douze messages destinés aux cellules de la Résistance en Provence. « Le chasseur est affamé… Nancy a le torticolis… » C’est le signal qu’attendent les gendarmes du 107e peloton motorisé : celui du débarquement de Provence, qui commence le lendemain. Les Alliés prennent d’assaut les côtes de la région. Plus de 9 000 soldats sont parachutés. Draguignan abrite alors 60 gendarmes, dont les 24 membres restants du peloton motorisé. Tous ont été désarmés par les Allemands dans les semaines précédentes, par crainte de les voir se retourner contre l’envahisseur. Ils n’ont pour seules armes que leurs pistolets de service. Pourtant, à 7 h 30, les gendarmes de Draguignan et les résistants locaux déclenchent l’insurrection de la ville. Le chef d’escadron Favre et ses hommes s’emparent de la préfecture et la fortifient pour en faire un Q.G. Les 60 gendarmes se battent dans les rues de la ville contre un ennemi plus nombreux et mieux armé. Ils se positionnent à des postes clés afin de sécuriser les dépôts de vivres et de munitions. Les gendarmes à moto sont chargés de quadriller les rues afin de déloger les Allemands tentant de se retrancher. Après une journée d’âpres combats, l’occupant évacue la ville en laissant des hommes dans certains grands bâtiments fortifiés, comme le lycée Ferrié. C’est là que le gendarme René Scheers trouve la mort en menant un groupe de ses camarades à l’assaut d’une mitrailleuse.
Le 16 août 1944, tandis que les combats s’enlisent, un premier groupe de six parachutistes américains entre dans la ville. Ils expliquent aux gendarmes que l’armée de Libération est encore loin, et qu’un bombardement est prévu sur Draguignan le soir même. Une telle attaque coûterait la vie de nombreux civils. Le gendarme Rolland est alors choisi pour traverser toute la région sous le feu ennemi jusqu’à Flayosc. Là, il entre en contact avec les troupes alliées, avant de revenir jusqu’à Draguignan pour y tirer des fusées de signalement jaune permettant d’indiquer aux avions qu’ils s’apprêtent à bombarder leurs alliés4.
« J’ai fait mon devoir, c’est tout »
Ce n’est qu’au lendemain du 17 août qu’une division américaine arrive à Draguignan pour trouver la ville libérée. Les 60 gendarmes de Draguignan, accompagnés de 150 combattants de la Résistance, sont parvenus à libérer la ville et à la défendre face à un millier de soldats allemands. Le chef d’escadron Favre fut cité à l’ordre de l’armée avec la Croix de Guerre 39-45. Une citation collective fut attribuée à l’ordre de l’armée pour tout le groupement de Draguignan.
Interrogé en 2004 sur les combats de libération de la ville, le gendarme Maurice Weisse déclare : « Je ne pense pas valoir plus qu’un autre. J’ai fait mon devoir, c’est tout. »
Parmi les derniers gendarmes du 107e peloton, c’est lui qui a ramené le corps sans vie du gendarme Scheers auprès des siens. « Ramener le corps d’un camarade tombé, c’est pas un exploit. C’est le devoir de chacun. On essayait juste de faire notre devoir5. » Des mots simples, qui illustrent toute la complexité du rôle des gendarmes sous l’Occupation et leur héroïsme humble.
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