Fédération Nationale des Retraités de la Gendarmerie-Section de Gaillac

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Panthéon: de 1791 à aujourd'hui, qui sont les «grands hommes» ?

HISTOIRE - Alors que Simone Veil entre au Panthéon, retour sur la notion de «grand homme». Inscrite au fronton du monument, sa définition a évolué au gré de l'histoire et des pouvoirs.En 1794, les cendres de Jean-Jacques Rousseau mort en 1778 sont transférées au Panthéon en 1794, trois ans après celles de Voltaire.

En 1794, les cendres de Jean-Jacques Rousseau mort en 1778 sont transférées au Panthéon en 1794, trois ans après celles de Voltaire. Rue des Archives/© Granger NYC/Rue des Archives

Elle est un «grand homme», Simone Veil. Tout comme Marie Curie, Geneviève de Gaulle Anthonioz et Germaine Tillion. Les quatre femmes panthéonisées en 1995, 2015 et 2018 ont rejoint les rangs des 75 personnalités* célébrées par la «patrie reconnaissante».

La notion de «grand homme» a évolué à travers le temps et les règles de panthéonisation ont changé au gré des soubresauts de l'histoire. La nécropole nationale née avec la République est devenue otage de l'histoire. En concurrence avec d'autres lieux de mémoire et d'hommage, elle n'est en rien, selon Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments nationaux, «le reflet fidèle des grandes heures de l'histoire de la France.» Elle serait plutôt le reflet des pouvoirs qui ont fait la France.

 

Révolution et Ire République: quelques errements

La création du Panthéon en 1791 répond au besoin révolutionnaire d'instaurer un nouveau culte laïc des grands hommes, saints et martyrs de la défense de la liberté nouvelle. C'est à la mort de Mirabeau, que l'Assemblée constituante décide par décret de transformer l'église Sainte-Geneviève non encore consacrée en «temple de la patrie». Et c'est donc le célèbre tribun qui, le 11 septembre 1791, a le privilège d'inaugurer ce nouveau monument national. Il est suivi de Voltaire mort treize ans auparavant, et de Rousseau en 1794, seize ans après son décès. Entre les deux, le Panthéon reçoit les corps du révolutionnaire, Le Peletier de Saint-Fargeau, et de Marat, tous deux assassinés, mais ces derniers, comme Mirabeau, ne connaîtront les honneurs du repos dans le temple des grands hommes que peu de temps. Ils seront en effet rapidement «dépanthéonisés», victimes des revirements politiques et idéologiques de l'époque.

Durant cette période, de nombreux décrets de panthéonisation sont publiés mais restent sans suite, soit parce que les corps ne sont pas accessibles (tombés derrière les lignes ennemies), soit parce que les vicissitudes de l'histoire retardent la translation jusqu'à l'oubli.

Il faudra attendre les célébrations des centenaires et bicentenaires de la Révolution française pour faire entrer au Panthéon les héros de la République naissante.

Premier Empire: remerciement pour service rendu

Napoléon met fin à ce désordre initial en transformant le panthéon des grands hommes en nécropole pour dignitaires de l'Empire. Le monument est au passage rendu au culte catholique en 1806 après la signature du Concordat de 1801. Et c'est presque une routine qui s'installe pour les trente-huit personnalités inhumées pour service rendu à l'Empereur. Un poste de sénateur, une légion d'honneur, un titre de comte d'Empire et pour finir une place au Panthéon. Pour cette raison, peu d'entre eux sont restés dans nos mémoires. Qui se souvient de Jean-Baptiste Bévière, notaire de son état, de Jean-Baptiste Perregaux banquier, des sénateurs Rousseau, Sers ou Papin?

Après la chute de Napoléon, sous la Restauration, quatre derniers dignitaires ferment le banc des panthéonisations impériales.

 

En 1821, l'édifice est rendu à l'Église qui procède enfin à sa consécration. Mis à part celle de l'architecte Soufflot en 1829, plus aucune inhumation n'a lieu sous la Restauration. Avec Louis-Philippe, l'inscription «Aux grands hommes, la patrie reconnaissante» mise en place en 1792 puis retirée, retrouve sa place sur le fronton et les insurgés des journées révolutionnaires des Trois glorieuses y sont honorés. Sous le second Empire le clergé redevient maître de l'édifice.

IIIe République: glorification du républicain

Le retour de la République donne au monument un nouvel élan. Il est de nouveau laïcisé en 1885 à la mort de Victor Hugo à qui l'on offre des funérailles nationales et une inhumation au Panthéon. Voilà le grand homme tel que la République le rêve: humaniste, défenseur des libertés et de la laïcité.

Dix autres panthéonisations suivront:

D'abord celles de 1889 pour le centenaire de la Révolution. Les héros sont maintenant bien identifiés: Lazare Carnot et les soldats valeureux de l'armée révolutionnaire, Théophile de la Tour d'Auvergne et François Marceau. On y adjoint un autre pourfendeur du despotisme mort sur les barricades de 1851, Alphonse Baudin.

Celle ensuite de Sadi Carnot, plus précipitée, sous le coup de l'émotion. Le président de la République a été assassiné par un anarchiste, il est inhumé au Panthéon après des funérailles nationales grandioses.

 

Des panthéonisations plus risquées, plus politiques: Emile Zola en 1908, six ans après sa mort dans une France encore mal remise de l'affaire Dreyfus et Jean Jaurès en 1924 assassiné avant la guerre. Enfin plus consensuelles, les entrées au Panthéon des hommes politiques Léon Gambetta et Paul Painlevé.

IVe République: célébration des Résistances

Après la Seconde guerre mondiale, la reconnaissance de la patrie va naturellement à ceux qui ont résisté à l'ennemi: des scientifiques engagés comme Paul Langevin et Jean Perrin en 1948. L'année suivante Félix Eboué, gouverneur des colonies, est le premier Noir à entrer au Panthéon.

Le même jour, le 20 mai 1949, est inhumé un autre grand homme, résistant d'une autre époque Victor Schoelcher, défenseur acharné de l'abolition de l'esclavage obtenue en 1848.

Le dernier panthéonisé de la IVe République est Louis Braille, qui oppose à la fatalité une résistance opiniâtre. Il est honoré et remercié pour son combat en faveur des aveugles et l'invention du système d'écriture qui porte son nom.

Ve République: toutes les valeurs de la République

Si l'initiative d'un décret de panthéonisation est laissée aux parlementaires sous la IIIe et IVe République, c'est en revanche au Président que revient la décision sous la Ve.

L'inhumation grandiose de Jean Moulin en 1964 voulue par Charles de Gaulle donne une place de choix à la Résistance française dans les valeurs républicaines que le gouvernement veut honorer.

François Mitterrand célèbre avec René Cassin, la défense des droits de l'homme et avec Jean Monnet, la construction de l'Europe, garante de la paix. Le bicentenaire de la Révolution française permet de rendre hommage enfin plus largement aux hommes de la Révolution et des premiers temps de la République: Condorcet, partisan de l'abolition de la peine de mort enfin obtenue par Robert Badinter, l'abbé Grégoire, militant de l'émancipation des Noirs et des Juifs et Gaspard Monge, fondateur de l'Ecole normale des instituteurs.

Enfin, en 1995, juste avant la fin de son mandat, Mitterrand fait entrer pour la première fois une femme au Panthéon, Marie Curie avec son mari Pierre.

Pas de rupture avec Jacques Chirac qui avec la translation des cendres d'André Malraux, résistant et homme politique et d'Alexandre Dumas, grand républicain et romancier prolifique perpétue la mise à l'honneur des vertus républicaines.

En 2015, enfin, François Hollande répond à la volonté populaire d'honorer au Panthéon des personnalités féminines. Faisant d'une pierre deux coups, il annonce dans son discours du 21 février 2014 le choix de quatre figures de la Résistance dont deux femmes. Elles incarnent les valeurs de la France: l'«égalité» représentée par Germaine Tillion, la «fraternité» par Geneviève De Gaulle-Anthonioz, la «liberté» par Pierre Brossolette et enfin Jean Zay, incarne la «République, l'école de la République».

En 2017, après la mort de Simone Veil, Emmanuel Macron ne peut à son tour qu'accéder à la demande des Français nombreux à souhaiter son entrée au Panthéon. L'ancienne ministre et académicienne y sera inhumée ce 1er juillet avec son mari, Antoine Veil. Ils seront le troisième couple à reposer ensemble dans le monument après les Curie et les Berthelot. C'est le courage, la combativité et la résilience d'une femme d'exception que le président et toute la nation honorent ce dimanche.

*Nous ne comptons pas l'architecte Soufflot, inhumé sans décret de panthéonisation.



04/11/2019
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