Avec de nombreux tirs sur des gendarmes, la tension est son comble en Nouvelle-Calédonie alors que les députés doivent débattre ce lundi opposés du projet de loi constitutionnelle pour l'ouverture du corps électoral lors des élections provinciales.
Vendredi 10 mai, des gendarmes ont été visés par des tirs à Saint-Louis et Saint-Michel (au sud-est de Nouméa), selon les informations de la chaîne de télévision Nouvelle-Calédonie la 1ère. Un premier coup de feu a visé vers 14 heures le véhicule de gendarmes venu mettre fin à un barrage sur la route provinciale 1 (RP1). Dans la soirée, deux coups de feu ont ciblé la brigade de gendarmerie de Saint-Michel. Aucun gendarme n’a été blessé dans ces deux incidents.
A nouveau bloquée dimanche soir, la RP1 a été, ce lundi 13 mai, "libérée quelque temps par les gendarmes et les membres du GIGN", selon Les nouvelles calédoniennes qui précisent que "l’intervention a été rendue délicate par les multiples tirs en direction des forces de l’ordre". "Les opérations sont compliquées en raison du haut niveau de violence de ces jeunes souvent alcoolisés, qui cherchent à aller au contact et nous tirent dessus", a précisé au journal local le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna. A 14h30, heure locale (La Nouvelle-Calédonie a 9 heures d’avance sur la métropole), "la situation oscillait entre reprise de la circulation et nouveaux blocages", selon la Gendarmerie.
Risque de tuer
Ce lundi matin, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie Louis Le Franc s’est rendu devant la brigade de gendarmerie de Saint-Michel, pour apporter son soutien "aux gendarmes et à leurs familles". Le représentant de l'État sur l’archipel, relate Les Nouvelles calédoniennes, a déploré des actes "extrêmement graves", "avec des gros calibres et tous les risques que cela implique", notamment celui de "tuer des gens".
Un risque qui s’étend aux agresseurs eux-mêmes, a averti Louis Le Franc: "Ils prennent le risque de se faire tuer. Des unités d’élite de la gendarmerie sont sur zone, comme le GIGN, et s’ils se trouvent en situation de légitime défense, ils répliqueront. Chacun prendra ses responsabilités, je prends les miennes. Je les mets en garde : qu’ils cessent immédiatement d’utiliser des armes en direction des gendarmes".
Invité au journal du soir de Nouvelle-Calédonie la 1ère ce lundi 13 mai, Louis Le Franc a précisé que "des renforts mobiles vont être demandés, avec des escadrons de gendarmerie. Et des gendarmes spécialisés du GIGN". Il a fait état de 35 gendarmes blessés par des jets de cailloux, notamment sur le secteur de Saint-Louis ainsi que de "tirs tendus d’armes de longue portée ont été tirés en direction des gendarmes. Quatre tirs cette nuit et deux il y a quelques heures".
Forte mobilisation contre la réforme institutionnelle
Depuis plusieurs semaines, la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), une structure mise en place par l'Union calédonienne (UC) et rassemblant plusieurs partis et mouvements indépendantistes, organise la mobilisation en marge des discussions politiques sur l'avenir institutionnel du Caillou. A partir du 4 mai, elle a multiplié les actions pour montrer son opposition au projet de loi dans le cadre d'une opération "Dix jours pour Kanaky".
Lors d'actions symboliques, ses responsables ont rendu hommage aux "martyrs" du combat indépendantiste, notamment aux 19 Kanak tués le 5 mai 1988 après la prise en otage de 27 gendarmes sur l'île d'Ouvéa, ainsi qu'à Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, emblématiques dirigeants kanak assassinés un an plus tard.
Point d'orgue de cette mobilisation, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé mercredi au coeur des quartiers sud de la capitale, qui concentrent les populations aux revenus les plus élevés, au milieu d'un dispositif de sécurité particulièrement important.
Récemment, les responsables de la CCAT ont annoncé que la mobilisation s'intensifierait en cas d'adoption du projet de loi, sans toutefois préciser de calendrier ni la nature des actions à venir.
Mardi, les députés ont donné leur feu vert à cette réforme sensible élargissant le corps électoral lors des élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie. Il sera débattu en séance lundi et soumis à un vote solennel le lendemain. Son adoption ouvrirait la voie à une réunion du Parlement en Congrès pour réformer la Constitution.
Depuis 1998, le corps électoral est gelé en Nouvelle-Calédonie, avec pour conséquence de priver de droit de vote près d'un électeur sur cinq.
Pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, ce gel "n'est plus conforme aux principes de la démocratie"mais les indépendantistes critiquent à l'inverse un dégel qui risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".