En Guyane, les gendarmes de l’antenne-GIGN mènent des opérations d’interception des pirogues servant à l’orpaillage illégal.
Les militaires de l’Antenne du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Guyane luttent contre l’orpaillage illégal dans les trois milieux (terre – air - mer). Sur les fleuves guyanais, ils mènent la mission Vives forces fleuve (V2F), consistant à intercepter les pirogues logistiques servant à alimenter les exploitations aurifères clandestines.
Recouverte à 94 % de forêt équatoriale et striée de nombreux cours d’eau, la Guyane est un territoire sur lequel circuler est un véritable défi. La pirogue s’est logiquement imposée comme le principal moyen de transport, tant pour les habitants au bord des fleuves que pour les garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR). Provenant en majorité du Brésil, ces derniers empruntent le fleuve Oyapock, qui délimite la frontière avec ce pays à l’est, le Maroni, situé à l’ouest, délimitant celle avec le Suriname et sur lequel ont fleuri une multitude de comptoirs alimentant l’orpaillage illégal, et leurs nombreux affluents. Ceux-ci permettent aux garimpeiros d’accéder ou du moins de s’approcher des chantiers clandestins, avant de terminer leur trajet à pied, au milieu de la jungle guyanaise. Fabriquées en bois ou en aluminium, et mesurant de huit à quinze mètres, les pirogues logistiques alimentant les sites illégaux sont équipées de moteurs hors-bord pouvant atteindre une puissance de 200 chevaux. Disposant d’un très faible tirant d’eau, elles sont capables de s’enfoncer au cœur du territoire et d’atteindre les endroits les plus inaccessibles afin d’acheminer plusieurs tonnes de matériel et de vivres (motopompes, tuyaux, quads, carburant, vivres, etc.) et de rapporter l’or extrait clandestinement. Afin d’endiguer l’action des garimpeiros, les gendarmes effectuent des opérations de contrôle statiques (postes de contrôle fluviaux positionnés sur des points stratégiques du territoire) et dynamiques, en utilisant des embarcations (pirogues mais aussi semi-rigide ultra-rapide).
L’AGIGN de Guyane est également habilitée à mener des opérations d’interception de pirogues logistiques. Ces actions présentent une technicité et une dangerosité particulières, raison pour laquelle les gendarmes de cette unité bénéficient de formations spécifiques. Ils suivent notamment une formation initiale de piroguier, complétée par un module spécialement dédié à la conduite des pirogues les plus puissantes (200 chevaux).
La mission menée par les gendarmes de l’AGIGN, appelée Vives forces fleuve (V2F), se déroule en plusieurs phases. Des entraînements sont régulièrement organisés.
Rechercher l’effet de surprise
Douze gendarmes de l’AGIGN sont nécessaires à l’exécution d’une mission V2F. Ils utilisent des pirogues saisies aux garimpeiros et repeintes afin d’obtenir un effet camouflant. L’une d’entre elles est destinée à l’assaut, tandis que la seconde est chargée de l’appuyer. À bord de chaque embarcation se trouvent un piroguier, un appui, deux sauteurs et un takariste. Placé à la proue, ce dernier a pour rôle de sonder la rivière et d'indiquer les obstacles se trouvant sur l’eau. Les deux pirogues sont renforcées par un jet-ski, plus rapide et plus maniable. Les opérations V2F sont organisées de jour comme de nuit. Les modalités de la mission (date, horaire et lieu) sont définies en fonction des renseignements collectés sur le terrain. L’effet de surprise est systématiquement recherché. Pour cela, les militaires de l’AGIGN identifient des criques leur permettant de se dissimuler plusieurs heures à plusieurs jours tout en observant les allées et venues des pirogues sur le fleuve. Lorsque la mission est susceptible de s’étirer dans le temps ou lorsque le masque offert par la végétation n’est pas suffisant, les militaires recouvrent leurs embarcations d’un filet de camouflage.
« La nuit, nous travaillons avec les IL (ILR pour Intensificateurs de Lumière Résiduelle, également appelés jumelles de vision nocturne, NDLR) afin de conserver un maximum de discrétion, explique Fabrice, gradé de l’AGIGN de Guyane. En raison d’un arrêté préfectoral, les pirogues n’ont pas le droit de naviguer sur les fleuves la nuit. Personne ne navigue de nuit, sans lumière et avec une forte motorisation. À partir du moment où nous constatons qu’une embarcation circule quand même, en transportant un important chargement, et qu’elle se dirige vers un secteur orpaillé, nous avons la quasi-certitude qu’il s’agit d’une pirogue logistique. Nous la laissons passer, puis nous nous dirigeons vers elle à faible allure afin de l’aborder par l’arrière, et nous n’allumons les projecteurs que lorsque nos embarcations sont au même niveau. Le bruit de leur moteur couvrant le nôtre, il est fréquent que les garimpeiros ne nous entendent pas approcher. Dans le meilleur des cas, nous procédons aux injonctions, ils obtempèrent et le contrôle se déroule alors sans encombre. Mais il arrive qu’ils prennent la fuite au moment de les aborder ou après nous avoir décelés. Les garimpeiros sont rompus à l’exercice et connaissent parfaitement les fonds, les rochers et les bancs de vase. Le plus difficile pour nous est alors de parvenir à les stopper. » Dans une pareille situation, les gendarmes de l’AGIGN doivent redoubler d’habileté, de prudence et de réactivité.
S’adapter aux réactions de l’adversaire
« Notre mode d’action dépend du degré de menace de la pirogue adverse. Néanmoins, nous favorisons l’utilisation du jet-ski, qui constitue le moyen d’interception le moins dangereux pour nous, précise Christian. Affecté à l’AGIGN de Guyane depuis 2016, celui-ci dispose d’une solide compréhension des modes d’action des orpailleurs. La pirogue est un vecteur particulièrement dangereux. J’ai déjà été témoin de traumatismes et de fractures lors d’opérations d’interception. »
À bord du jet-ski, deux gendarmes de l’AGIGN, spécialement formés à la conduite de cet engin, effectuent un passage devant la pirogue logistique. Alors qu’ils dépassent l’étrave de l’embarcation adverse, ils arrêtent brutalement sa course en balançant un filet muni de flotteurs, qui vient s’enrouler autour de son hélice. En cas d’échec, les deux militaires disposent d’un second filet leur permettant d’effectuer une nouvelle tentative. Les gendarmes répartis sur les deux pirogues sont alors en mesure de procéder au contrôle de l’embarcation et à l’interpellation du piroguier. « Ce système fonctionne dans 90 % des cas. La course-poursuite avec une pirogue étant particulièrement dangereuse, on préfère employer le filet, qui agit un peu comme un stop stick (barre qui permet d’arrêter un véhicule en lui crevant les pneus, NDLR) », précise Romain, à l’origine de ce procédé.
D’autres techniques existent pour tenter de stopper une pirogue, mais pour des raisons de discrétion, nous ne pouvons les décrire.
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